Electro-aimants
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Bien sûr on peut les acheter dans le commerce. Mais on ne trouve pas toujours exactement ce que l'on veut, et puis c'est quand-même plus amusant de les construire soi-même. Après tout hein, les orgues aussi peuvent s'acheter tout faits ;o)

Exemple de produit commercial qui pourrait convenir


Dimensions
Je me suis dit que ce serait intéressant de pouvoir disposer les électro-aimants de part et d'autre d'une flûte de pan et au plus près de celle-ci. En 27-29 notes, cela nous donne un pas de 8.4 mm. Donc des électro-aimants de 8 mm de large seraient parfaits.

Mais est-ce bien raisonnable de faire si petit ?
Avant de foncer tête baissée, ça ne prend pas grand temps de faire quelques calculs pour se rassurer. Enfin moi ça me rassure en tous cas.

Voici le type d'électro-aimant que nous allons réaliser. 
Il est loin d'être optimal, car il faudrait au moins reboucler les lignes de champ (ramener l'un des pôles au plus près de l'autre). Mais il est assez facile à construire.
Pour le noyau, il faudrait utiliser un matériau possédant le moins possible de rémanence. En fait celle-ci ne se manifeste de manière gênante que lorsque noyau et contre-noyau sont en contact et ne s'exerce quasiment plus lorsqu'ils s'éloignent. Alors, comme il faudra amortir les bruits de claquement d'une manière ou d'une autre, l'amortisseur sera placé entre ces deux pièces, et contribuera à éliminer, en pratique tout au moins, les effets de cette rémanence.
Reste à déterminer si la force d'un tel relais sera suffisante pour l'usage auquel je le destine.

Le type d'électro-aimant à réaliser

Calculs
Tout est regroupé dans ce tableau Excel
. Voici néanmoins les détails du raisonnement pour ceux que ça intéresse :

- Avec 14 cm CE de pression, la poussée à contrer pour boucher un trou de 3 mm (7mm²) est de : 0,07*14 = 0,98 g. Soit à peu près 0,01 N.

Noyau + ressort devont donc appliquer une force supérieure à cette valeur pour fermer ce trou. Et pour l'ouvrir, l'électro-aimant devra fournir au moins une force équivalente dans l'autre sens.

Reste à calculer la force produite par un électro-aimant. Mais ce n'est pas si simple qu'on pourrait le penser.

Il existe une formule qui permet de calculer la force d'attraction produite par un solénoïde sur un noyau mobile en matériau ferromagnétique. Pour mémoire, en physique un solénoïde est définit comme étant une bobine de longueur infinie, à l'intérieur de laquelle le champs magnétique est considéré constant. En pratique, on considère que la longueur est infinie quand elle est au moins égale à 10 fois le diamètre. Ca risque de faire des électro-aimants moches et peu pratiques, mais partons tout de même de cette hypothèse.

Cette formule est la suivante : F = (NI)²mu0S/2d²
F = force d'attraction en Newton
N = nombre de spires
I = Intensité en ampères
mu0 = constante qui vaut 4.PI.10E-7 (perméabilité magnétique du vide)
S = section du noyau
d = distance sur laquelle va s'appliquer la force (S et d doivent être homogènes)

Remarque : La perméabilité magnétique relative du noyau n'intervient pas (muR).

Mais cela fait quand-même un sacré paquet de paramètres sur lesquels il est possible de jouer !

Concernant la forme du noyau et du contre-noyau, les industriels proposent toutes sortes de choix en fonction de l'utilisation. Les force initiale est finales sont quasiment toujours les mêmes. En revanche la manière dont cette force évolue tout au long de la course du noyau peut être très différente. Tout dépend de ce que l'on souhaite. Voir les courbes ci-dessous.
Pour faire simple ce sera plat. Courbe correspondant à alpha grand

Exemple de courbe de force (catalogue Kuhnke)

Pour simplifier la démarche, on va se contenter de vérifier les performances d'une bobine donnée.

Cas d'étude
Alors... J'imagine une bobine "pratique" qui mesurerait 20 mm de long. Le coeur est un tube en laiton de 4mm et le fil sera du 13/100 (reste du bobinage du transfo haute tension de mon petit oscillo).
Donc :
- Nombre de spires/couche : 20/0,13 = 154
- Nombre de couches : 2/0,13 = 15 (On va dire 13, au cas où le bobinage ne serait pas parfaitement jointif)
- Nombre de spires total = 154 * 13 = 2002
- Spire moyenne : 6 mm (médiane entre le tube de 4 et le diamètre max de 8)
- Longueur de fil : 2002 * PI * 0,006 = 37,71 m
- Résistance : 1,7E-8 * 37,7 / 1,33E-8 = 48,19 Ohms (rho.l/s). Soit presque les 50 Ohms magiques du monde TTL.

Et cette force ? Théoriquement, cette bobine est trop courte pour être considérée comme un solénoïde. Allons-y tout de même :
- N = 2000 spires
- Intensité = 0,23 A (11 V sur 48 Ohms)
- Section du noyau : 7 mm² (intérieur du tube de 4)
- Distance parcourue par le noyau : 2,5 mm 
Concernant ce dernier point, il suffirait de 0,75 mm pour découvrir complètement un trou de 3 mm. Mais j'ai envie que ça se décolle franchement et de garder de la place pour un amortisseur.

Application numérique de la formule : F = (2000 * 0,23)² * 4 * PI * 10E-7 * 7 / 2 * 2,5² = 0,15 N

Pas mal. Trop beau même au regard des 0.01N qu'on attend. On vérifiera tout ça !

A noter :
1. On trouve un calculateur qui applique cette formule ici .
2. Et on la retouve également dans le catalogue du fabricant allemand Kuhnke (page 34). Avec plein d'autres infos, courbes, croquis etc.
3. La bobine "imaginée" est surtout contrainte par des impératifs de réalisation.

Remarque pratique :
En jouant avec cette formule, et plus spécifiquement avec mon tableau Excel, on se rend compte que pour une bobine physique donnée (longueur de spire moyenne constante), pour le même fil, et pour la même tension d'alimentation, le produit (NI)² est invariant.
Facile à vérifier : En développant le calcul de I on met en évidence une simplification par N.

Conséquence : Quelque soit le nombre de spires que l'on arrive à y mettre, si on remplit la bobine avec le même fil, et si on garde la même tension de commande, on aura la même force. Ben si.

D'un point de vue pratique, si on réussit à faire un bobinage à spires jointives, N augmente, et comme il y a plus de fil, I diminue. Et si on met moins de spires, N diminue, on a moins de fil et donc I augmente.  Le résultat en termes de force produite sera le même.
On a tout de même intérêt à se situer dans le premier cas. La consommation (et l'échauffement) seront moindres.

Autre application : Si on veut rebobiner un électro-aimant pour en modifier la tension de fonctionnement par exemple, sans en changer les caractéristiques de force, eh bien il suffit de conserver la valeur de (NI)². A vos formules !

 

Et en vrai, ça donne quoi ?
Une bobine a été réalisée selon ces paramètres.

Mesure de force (tentative de)
Le but est de vérifier si les calculs et la réalité font bon ménage. Sans avoir la prétention d'avoit réalisé LA mesure incontestable, j'ai essayé de faire quelque chose qui ne soit pas trop stupide. Bon et puis hein, ce n'est pas pour construire une centrale nucléaire non plus (quoique là aussi les mesures...)

D'après Kuhnke, une mesure de force sur un relais s'effectue sans ressort, et de manière à ce que la gravité n'agisse pas. Yo.
Donc :
- Montage du relais en position horizontale, avec un morceau de fil de laiton soudé au centre du noyau pour tirer le palpeur d'un dynamomètre.
- Celui-ci est fixé au moyen d'une rondelle d'adhésif double face, de façon à  pouvoir légèrement le pivoter. Sa position est donc ajustable finement au moyen d'une vis dans le tasseau sur le côté.
- Alimentation en 11 V (Prévu 12 V avec 1 V de perte dans les darlingtons de commande).

L'extrémité interne du noyau est munie de son amortisseur : Une rondelle de caoutchouc de 5/10 d'épaisseur et de 2.5 mm de diamètre.
On règle le tout pour que, dynamomètre à 0, le déplacement du noyau soit de 2 mm avant que l'amortisseur n'entre en contact avec le contre-noyau. Avec les 5/10 de l'amortisseur, on a bien un déplacement de 2.5 mm comme dans le calcul.

Test_relais_1.JPG (340249 octets)  Test_relais_2.JPG (137366 octets)  Test_relais_3.JPG (124098 octets)

Résultat : A la mise sous tension le relais tire et l'extrémité du palpeur se déplace de quelques dizièmes. La force mesurée représente l'attraction exercée à la distance de départ, diminuée du déplacement du palpeur. Le rôle de la vis sur le côté du dynamomètre est justement destiné à tenir compte de cet offset en l'ajoutant à la position initiale.
On lit 17 grammes. Soit environ 0.16 N. Le diamètre réel du noyau est de 3.2 mm et on attend 0.17 N (cf tableau Excel). Yes ! qu'on se dit.

Discussion : Ouais... En réalité il y a certainement un peu moins de 0.16 N à 2.5 mm. On peut seulement dire que ces 0.16 N sont obtenus quelque part, légèrement en-dessous de 2.5 mm. Et donc que c'est plus favorable. Mais c'est très difficile de tenir cette distance, car elle est le résultat d'une situation d'équilibre entre le relais qui tire d'un côté, et le ressort du dynamomètre qui tire de l'autre. La force du relais avec un fond de noyau plat suit une loi de forme exponentielle (voir courbes Kuhnke), alors que celle du dynamomètre est linéaire. Du coup, à quelques dizièmes près, on se fait "embarquer" vers le collage, ou à contrario on n'a pas assez de force pour que ça bouge.

Remarque : Je ne fais pas travailler le dynamomètre dans la zône où il est le plus précis. Ok. J'en ai un autre plus sensible (max 25g), mais le déplacement du palpeur est alors beaucoup plus important pour les forces que l'on mesure. Du coup ça devient complètement ingérable parce que justement, on veut des petits déplacements pour ne pas fausser les conditions de mesure.

Ceci étant... La mesure effectuée ici est parfaitement répétitive, et l'erreur, si erreur il y a, n'est sans doute pas d'un facteur 10. Et puis si c'était le cas, ben avec 0.016 N on aurait encore assez !

Donc, même si la formulation est propre à faire bondir les physiciens, je dirais tout de même que les mesures effectuées avec des moyens assez sommaires présentés ici confortent globalement les calculs :o).
Et puis de toutes façons, la mise en oeuvre effectuée ensuite prouvera que ça fonctionne au moins aussi bien que je le souhaitais... Gniark gniark gniark.

J'ai bien une autre idée de dispositif de mesure vraisemblablement plus aisé à mettre en oeuvre, mais ce sera pour une autre fois ! On peut passer sa vie à faire des mesures physiques hein. C'est même un métier. ;o)

Fréquence de fonctionnement
Là, je dois dire que cela dépasse toutes mes espérances ! Mais voyez plutôt la vidéo.

 

Fiabilité-endurance
Le relais a donc effectué 4.320.000 manoeuvres sans interruption. Ensuite, tout a été démonté et bien regardé à la loupe.
Constatations :
- Juste avant l'arrêt, tout fonctionnait encore comme à la première seconde. Pas de bruit suspect. Cool.
- La résistance de la bobine est inchangée, et son isolement par rapport au tube laiton est toujours bon. Donc le fil est intact et apparemment il n'y a pas de cours-jus interne.
- Il n'y a pas de traces sur le noyau. On note seulement un très léger dépot d'une poudre noiratre, classique de l'usure du laiton (comme sur les charnières de portes).
- L'amortisseur est toujours en place. Il est tout lisse en surface mais intact (j'avais peur qu'il parte en miettes).
- Aucun collage n'a laché. Ni pour l'amortisseur, ni pour le clapet. Vive la cyano.

Bien sûr, ça n'a rien à voir avec un vieillissement "naturel". Mais tout de même, c'est de bonne augure.

Dans les morceaux de musique que je possède, j'ai compté qu'une même note est jouée de l'ordre de 100 fois. C'est la moyenne que j'obtiens  en intégrant une fonction de comptage dans le programme de la perfo. Allez soyons fou : 200 fois, au cas où je ne posséderais pas encore LES fichiers qui gigotent le plus les notes.
Et donc là, c'est comme si le relais avait joué 21.600 titres de 3 minutes, intégralement. En gros ça fait 3 heures par jours tous les jours pendant un an. Euh... Vous je ne sais pas, mais j'ai l'impression que mes orgues tournent moins que ça.

Bon. Vu son excellent état, je pense que je n'en viendrai pas à bout de si tôt, et je vais en rester là pour les essais. Je me dis qu'il est temps de lui fabriquer tout plein de petits frères et de les mettre à la musique !

Allons-y pour :
Un carton électronique