Serinette parisienne
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Voici quelques photos commentées de la remise en état d'un Thibouville 16 notes encore appelé "Serinette parisienne".

L'instrument était très endommagé. Et pour ne rien arranger, lors d'une précédente intervention réalisée manière peu académique, il semblerait qu'aucun traitement contre les insectes et pourritures n'ait été effectué. Et les vers ont allègrement continué leur travail...

Cet instrument est contemporain du 24 notes (Organina), mais beaucoup moins répandu. Cet exemplaire fait vraisemblablement partie des tous premiers à avoir été construits et comporte un seul double soufflet. De ce fait on peut situer sa date de fabrication sans doute un peu avant 1900 (et après 1887, date du brevet Thibouville sur ce type d'instrument). Les modèles suivants auront 4 soufflets comme l'Organina.

L'instrument en état de marche

 

Il manque les supports de cartons et la plieuse

Sa gamme est très réduite. Les 16 notes (et leur numéros midi) dont dispose cet exemplaire sont les suivantes :

Ré#(51), Fa(53), La#(58), Fa(65), Sol(67),  La(69), La#(70), Do(72), Ré(74), Ré#(75), Mi(76), Fa(77), Sol(79), Sol#(80), La(81), La#(82)

On pouvait également trouver des instruments dont les anches étaient accordées 5 demi-tons plus bas, avec ces numéros midi :

46, 48, 53, 60, 62, 64, 65, 67, 69, 70, 71, 72, 74, 75, 76, 77

Le clavier

Le sommier des anches est d'origine mais il était devenu poreux du fait de la présence d'innombrables trous de vers. La boite à vent avait été précédemment reconstruite en contre-plaqué de 10 mm, le sommier collé dessus au silicone et les ressorts des touches remplacés par des ressorts à spirale impossibles à régler.

Tout a été reconstruit aussi traditionnellement que possible. Les trous de vers ont été rebouchés à la pate à bois bi-composants et le sommier soigneusement poncé. Il est désormais vissé sur la boite à vent avec interposition d'un joint. La boite à vent en contreplaqué a été conservée.
Les ressorts ont été refaits comme d'origine en bronze phosphoreux et sont réglables individuellement au moyen d'une vis. Les peaux des clapets ont été remplacées de même que les clous d'écartement ainsi que la charnière et les tampons d'appui sur les touches (cuir de 4 mm + peau).

L'articulation des touches est une bande de peau épaisse (d'origine c'était du feutre)

Soufflerie et réserve

Afin de minimiser le travail, le double soufflet précédemment refait en contreplaqué de 10 a été conservé. La peau (veau ?) un peu trop épaisse a été déposée et recollée. L'étanchéité précédente était assurée au moyen... de ruban adhésif.

Au passage, les clapets interne des soufflets ont été remplacés. Du fait de la rigidité de la peau en fin de course, ces soufflets sont assez limite en débattements, mais ça passe sans trop d'à-coups.

Le sommier de base en contreplaqué a également été conservé. Bien qu'il soit sans doute un peu différent en épaisseur et en géométrie de la planche de merisier habituellement utilisée par Thibouville, il semble fonctionnel. On ne va pas tout refaire non plus.

La fixation de la bielle a été refabriquée de la manière la plus adaptée qui soit à ces soufflets, de même que la bielle elle-même, en hêtre.

   

La réserve en lanterne semble d'origine. Les mini-fuites aux plis de la peau ont été obstruées par des "patch" en peau d'agneau de 3/10 mm.

La mécanique

C'est la partie qui a nécessité le plus de travail tant son état d'attaque par les insectes était avancé.

 

Ils se sont régalés les vers !

Le traitement :

Toutes les pièces métalliques ont été démontées et la structure en merisier de même que toutes les autres pièces en bois de l'instrument (peuplier pour le coffret et quelques autres pièces en hêtre) ont été imprégnées d'un produit insecticide/fongicide. Le tout enfermé pendant 2 semaines dans un sac en plastique pour que le produit agisse en profondeur.

Seulement voilà... Pour la mécanique ça ne suffit pas. La structure a un peu une consistance de polystyrène tellement il y a de galeries internes. Le bois s'écrase sous les doigts et il est donc nécessaire de le durcir.

La solution choisie est une imprégnation de lasure en 2 fois. Une premiere application diluée à 30% sature le bois. En travaillant les pièces à plat pour que ça rentre partout, le bois avale la lasure comme une éponge et le traverse même en certains endroits ! A la deuxième application, le produit reste davantage en surface et ça devient bon.

Une fois que tout a été traité (ça prend du temps), on constate que le bois est redevenu dur et on peut remettre en place les parties métalliques.

   

Les parties servant de paliers au rouleaux du presseur étaient usées et ont été remplacées par des inserts en hêtre

Résultat : La mécanique est de nouveau fonctionnelle. Wouah ! Ca c'est du sauvetage ;o)

Finitions

Le rouleau d'entrainement du carton a été regarni de caoutchouc et le rouleau presseur débarassé d'une sorte de tube mis en place précédemment, qui était devenu collant et de toutes façons inutile.

Le rouleau cranté un peu tordu a été repris au tour afin qu'il tourne à nouveau rond.

Enfin, plusieurs parties manquantes du coffret ont éte refaites en peuplier, enduites et le tout relaqué en noir comme il se doit.

Réglages

Ces réglages sont assez souvent vus comme une prise de tête sur les instruments à lecture mécanique. Ceci étant, avec un peu de méthode ça n'est pas forcément si compliqué qu'il y parait.

Le fonctionnenment de l'instrument est basé sur un équilibre de forces entre :
1. D'une part le ressort du clapet d'anche, dont la force doit être suffisante pour empêcher le clapet de se soulever sous l'effet de la pression d'air lorsque la touche est abaissée par le carton.
2. Et d'autre part le ressort de touche dont la force doit largement contrer celle du ressort précédent de manière à ce que le clapet s'ouvre lorsqu'une perforation du carton libère la touche.

Alors...

Dans un premier temps on abaisse toutes les touches au moyen du levier d'action sur le côté.

Tout d'abord, on vérifie que le presseur s'est suffisamment relevé pour pouvoir introduire un carton. Si toutes les pièces concernées ont été repositionnées aux emplacements d'origine ça doit être le cas. Sinon, il faut agir sur les pièces métalliques qui viennent en butée sur la came.

 

Puis on va travailler les extrémités des touches à la pince, de manière à ce qu'elles tombent au centre des tampons du clavier. Pratiquement il suffit de les cintrer légèrement, d'un côté ou de l'autre.

Ensuite on insère un morceau de carton de 5/10 mm sous le presseur cannelé et on relache les touches en basculant le levier vers la gauche.

On va alors règler les tampons du clavier en les vissant ou dévissant de manière à ce que la queue des touches décolle à peine du tampon. C'est la position "touches abaissées par le carton", dans laquelle les clapets ne doivent être refermés que sous la seule action de leurs ressorts individuels.

Et finalement on règle les ressorts.

On commence par décrocher les ressorts de leurs touches respectives et on leur donne à tous la même courbure vers le bas. Pratiquement, tous les ressorts peuvent être cintrés conformément à la photo ci-dessous de façon à ce que la boucle des ressorts décrochés affleure le niveau du dessus des clapets.

Ensuite on remet ces ressorts en place et en effectuant plusieurs actions successives sur le levier d'abaissement des touches on va régler la pression des ressorts de clapets au moyen de leurs vis de fixation, de manière à ce que l'extrémité de tous les clapets se lève d'environ 1 mm lorsque les touches sont sorties et qu'ils se referment parfaitement dans le cas inverse.

 

On doit obtenir des ouvertures bien homogènes sur tous les clapets, qui seront garantes d'un bon équilibre sonore.

Musique !

Voilà un "bout de carton" sur l'instrument terminé. C'est tout ce que je possède dans ce format. Ce carton n'a plus d'amorce et je n'en connais pas le titre.  Mais c'est suffisant pour constater que cette vieille dame de près de 130 ans ne s'en sort pas si mal !

A remarquer que les anches sont d'origine et que je ne les ai pas ré-accordées.